Category: Défense des arbres

Julia Butterfly / Une californienne séjourne 738 jours dans un arbre

J’évoquais l’activisme des américains dans un article posté cet après midi –

Je ne me doutais pas qu’il convenait d’apporter des explications à ce sujet dans la soirée.

738 jours dans un Sequoia âgé de 1500 ans pour empecher son abattage

738 jours dans un Sequoia âgé de 1500 ans pour empêcher son abattage

Qui, en France, serait susceptible de mettre sa vie entre parenthèse pour défendre une idée qui se juxtapose à son existence ? Que faut-il en penser ? Est-ce une pasionaria habitée par des illuminations ou une droguée en voie de rémission ou une personne qui dit ce qu’elle fait et qui fait ce qu’elle dit ?

A l’évidence, Julia a décidé de vivre une vie philosophique c’est à dire une esthétique existentielle. Mais qu’est ce que cela veut dire ?

Michel Onfray apportait à cette question une piste dégagée qu’il faut suivre. Que disait-il au moment des événements qui ont endeuillé la France ? Certains jeunes acceptent de mourir pour des “fictions religieuses” tandis que d’autres n’accepteraient pas le même destin funeste pour défendre les valeurs qui structurent notre système de valeur sociale et économique (iphone, apple, vacances au ski ..).

Quel rapport faut-il y voir avec Juliia ?

L’exemple de Julia nous montre qu’il existe une intime relation entre la théorie et la pratique, la réflexion et la vie, la pensée et l’action.

Elle met son corps au service d’une conception utilitariste et pragmatique de son existence. Elle fabrique une tension existentielle qui la place au cœur de ses convictions.

On ne se place pas sur le terrain de la justification morale pour savoir si elle fait bien ou mal, si elle sert une cause politique. Il suffit de comprendre que son action est une réponse cristalline à un projet qui lui semble clair et sans équivoque.

C’est une épiphanie, c’est à dire une rencontre magnétique et pourquoi pas moléculaire entre la raison et la certitude. Sa démarche nous perturbe, car elle va à l’encontre de la pensée totalisante, celle qui est au service du système.

On ne la comprend pas. Elle nous brise par son envoutement à sens unique car à l’image de David Thoreau dans son expérience de vie, son engagement traverse une épaisseur du réel. Le retour n’est plus envisageable.
Je préfère m’arrêter là pour éviter d’aborder des notions qui touchent à une puissance d’exister secouée par une sculpture de soi qui nous conduit à percevoir une autre dimension du réel. L’appartenance à son monde mental habité dans son corps physique fait d’elle ce qu’elle est : c’est son idiosyncrasie. Julia est engagée dans un processus philosophique lorsqu’elle avait 22 ans – Elle a aujourd’hui 42 ans –

Pierre Lacarrère, le 7 janvier 2016

SEQUOIA et “A quoi sert un arboriste grimpeur ?”

Réponse aux questions : « Présentation de l’association SEQUOIA et comment définir le rôle d’un « arboriste grimpeur » et à quoi sert-il ? » *

A) L’association SEQUOIA créée en 1990 par des arboristes – Elle existe depuis 25 ans : c’est l’âge d’une maturité établie.
Aujourd’hui les membres adhérents sont tous des opérateurs, c’est à dire des arboristes grimpeurs sélectionnés sur des critères qualitatifs.
Il s’agit de définir la vocation et les lignes de forces de notre philosophie :
1) Lutter contre les idées reçues qui circulent sur l’arbre et défendre l’intégrité de l’arbre d’ornement
2) Proscrire les pratiques mutilantes sur les arbres qui engendrent des conséquences funestes sur leur pérenité.
3) Interdire l’utilisation de produits issus de l’industrie chimique nuisibles pour la santé humaine et néfastes pour l’équilibre de l’environnement,
4) Préserver le patrimoine arboricole d’ornement situé sur les territoires publics et privés,
5) Accompagner les possesseurs d’arbres dans la compréhension et le respect de la charte de l’arbre, véritable outil de préservation du patrimoine arboricole,
6) Appliquer la réglementation des travaux en hauteur, favoriser la formation permanente au sein des équipes et diffuser les connaissances techniques et scientifiques auprès des collaborateurs de nos entreprises,
7) Fournir au public des clefs de compréhension intelligibles et tenir un discours clair afin de rendre visible un métier-passion consacré à la célébration du vivant,
8) Respecter et comprendre l’altérité de l’arbre, car c’est un système vivant,
9) Transmettre et communiquer la nécessité de conserver notre patrimoine arboricole car, « les arbres sont des êtres vivants, ils sont nos protecteurs » (Francis HALLE)

B) Qu’est ce qu’un arboriste grimpeur et à quoi sert-il ? L’arbre et l’élagueur : un mariage impossible !
L’arbre est système vivant qui a émergé sur la terre il y a environ quatre cent vingt millions d’années. L’arbre a précédé la naissance du premier dinosaure de 100 millions d’années. On peut donc en déduire que l’arbre a développé au cours de ces dizaines de millions d’années des capacités d’adaptation associant sa pérennité à des stratégie de défense et d’assimilation symbiotique avec son entourage.
Prétendre qu’un arbre a besoin d’être « entretenu » est l’expression d’un anthropomorphisme compulsif encadré par des exigences esthétiques.
S’il s’agit de justifier l’interventionnisme systématique des opérateurs pour apporter un « bien être » aux arbres, alors cette attitude témoigne d’une ignorance culturelle appuyée par une vulgate héritée du passé.
Croire que l’arbre a besoin de la main de l’homme pour durer, exister et prolonger son espérance de vie est une vision obscurantiste du monde.
Seul l’arbre à vocation ornementale, installé au coeur de nos environnements urbains, exige l’observation avisée de l’arboriste.
Dans cette optique, l’arbre devient un hôte singulier qui nécessite notre attention vigilante. Nos connaissances pluridisciplinaires se mettent au service de son existence et de son développement : quelle essence choisir, où le planter, à quel moment, comment le planter, à quel âge, comment le choisir, quelle pépinière d’élevage sélectionner, respecter les protocoles de plantation, fosse, trou de plantation, taille de formation, nature du sol, espace réservé à son déploiement racinaire, à son évolution spatiale, comment conduire son développement …….
L’arboriste est un opérateur de terrain dont l’intervention consiste à conduire ou à contraindre le déploiement de l’arbre dont la vocation est de se reproduire et de coloniser l’espace.
Mais cette « conduite accompagnée » ou cette « contrainte raisonnée » doit se réaliser sur la base de la connaissance du système ontogénique de l’arbre. Lorsque l’intervention de taille s’effectue sur les unités de croissance annuelle portées par les ramifications arborescentes, l’arbre ne subit aucun traumatisme susceptible de perturber son équilibre. En revanche, les mutilations excessives, récurrentes et systématiques qui se traduisent par des ablations sur les axes et la suppression totale de la surface photosynthétique (le feuillage), ont le plus souvent pour effet d’installer l’arbre dans une spirale funeste du déclin.
Le rôle de l’arboriste grimpeur est déterminant dans le développement pérenne de l’arbre d’ornement, car l’action de taille est subordonnée à une connaissance scientifique du système biologique qui gouverne son développement. L’opérateur s’inscrit donc dans une démarche volontaire d’acquisition de connaissances. Son parcours professionnel est jalonné par une recherche constante d’informations relayées par les centres de formation, la culture et la littérature scientifique, les chercheurs, les blogs, les réseaux sociaux …..
Animé par cette réalité, l’arboriste devient un acteur incontournable dans la préservation du paysage arboricole. Or, il est trop rarement sollicité par le public et les représentants institutionnels. Il suffit de constater les dégâts irréparables causés aux arbres pour en déduire que l’incompétence est le résultat nécrophile d’un opérateur néophyte ou « d’un coupeur de branche dépressif ».
Comment expliquer cette vision triste du monde ? Pour quelles raisons la laideur engendrée par l’ignorance est-elle présentée comme une réalité normée et répétitive ? Faut-il envisager une réponse dans l’absence de réglementation de notre métier ? Est-elle seule responsable comme étant le résultat d’un manque de visibilité claire et intelligible pour un public non éduqué, non averti et non concerné ?
Nonobstant, un arboriste grimpeur apporte ses connaissances pour réaliser des tailles et des soins aux arbres dans une optique prophylactique.
L’arbre joue un rôle primordial au coeur de nos territoires densément urbanisés. Il n’est plus possible pour les « élagueurs circonstanciels » et les donneurs d’ordres impécunieux de se réfugier derrière les panneaux opaques de l’incompétence. A la lumière des facilités offertes par l’existence des réseaux de toute nature pour obtenir des connaissances éclairées sur le « monde vivant que représente l’arbre », il n’est plus possible de plaider l’ignorance.
Faites confiance aux arboristes référencés chez SEQUOIA : ce sont des hommes et des femmes soucieux de préserver un patrimoine végétal parfois mal aimé.

Attention, ils reviennent !!

Pourquoi je n’aime plus l’automne dans nos collines ?
Il était un temps où la chaleur pesante de l’été animée par les stridulations bruyantes des cigales cédait petit à petit la place à la lente arrivée de la douceur de l’atmosphère et de la couleur vive temporairement fichée dans les ramures des arbres – Les oiseaux migrateurs préparaient à leur mesure leurs longs voyages qui devaient les mener vers des pays lointains situés dans l’hémisphère sud –
A cela devait s’ajouter l’apparition progressive des pluies automnales, souvent accompagnées de bourrasques soudaines et imprévisibles. C’est donc des souvenirs d’enfants chargés et marqués par des odeurs de feuilles mouillées, des sensations étranges de chaud et froid , des visions colorées, des ambiances intermédiaires de fin d’été, des bruits secs et francs lorsque les glands tombaient au sol de tous les côtés, les derniers chants d’oiseaux et les moustiques qui disparaissaient enfin ….Toutes ces manifestations de nos jardins incarnaient le changement de saison – Nous attendions cette transition et les journées pluvieuses, grises et silencieuse qui ne manqueraient pas d’influencer notre perception du monde marquée notamment par la dégustation des nombreuses variétés de champignons.
Qu’en est-il maintenant ?
L’automne signe l’arrivée des manifestations frénétiques des moteurs en tout genre – Mais qui utilise des engins motorisés et pourquoi ?
En qualité d’arboriste grimpeur, je deviens très sensible à l’existence de bruits qui s’ajoutent inutilement à la perturbation constante de notre environnement naturel. A l’entropie apparente vient se juxtaposer le désordre anthropique. Où et comment se produit-il ?
Il suffit d’écouter l’écho que renvoie le sinistre tiraillement motorisé des tronçonneuses dans nos vallons et dans collines. C’est une armée informelle de soldats sans commandement qui est jetée dans les jardins privés et publics. Qui sont ces soldats ? que font-ils ? Le métier difficile et délicat pratiqué par des « élagueurs-destructeurs » n’est pas gouverné par une réglementation souveraine. Donc, le contingent des conscrits ne maigrit pas. Un très grand nombre de jardiniers amateurs se découvrent des talents soudains et spontanés pour mener des campagnes d’élagage dans tout ce qui compte de végétation « turgescente ». Ainsi, c’est par milliers, tous les jours, toutes les heures, dans tous les départements de France, dans tous les jardins privés et publics que nos prétendus « amoureux-défenseurs » de la nature agissent précisément à « l’envers » de la nature. Tailler, couper, blesser, rabattre revient à supprimer des axes sur des arbres, abimer le cycle hiérarchique de développement des plantes, exposer la cellule végétale aux possibles intrusions multiples des agents pathogènes, aliéner la surface photosynthétique des végétaux, perturber irrémédiablement la rhizogénèse …….Ces actions répétitives et définitives sur les plantes engendrent un désordre symptomatologique dont les effets provoquent un affaiblissement et une nanification du végétal. L’ensemble de ces actions mutilantes installent la plante dans une spirale funeste de déclin. Que dire des arbres qui subissent les interventions massacrantes des élagueurs-mutileurs ? Et bien tout le monde est triste : l’arbre, le paysage, le voisinage, l’observateur qualifié, le retraité paisible, l’enfant rêveur, l’écureuil agile, les animaux arboricoles, les insectes pollinisateurs, l’arboriste grimpeur en colère, le philosophe biophile ……
Qui décide de les maltraiter ?
Et pour quelles raisons les pratiques insultantes, dégradantes, mutilantes, désespérées, aliénantes, incultes, tristes, ignorantes, laides, incompétentes tournent -elles le dos à la connaissance, l’esthétisme, la curiosité, la sensibilité, l’instinct, le savoir, le regard, l’intelligence, la réflexion, les bonnes pratiques des arboristes ? La connaissance de l’arbre est récente (50 ans avec le Microscope à Balayage Electronique) – son univers biologique se découvre ( transmission du système racinaire , système hydraulique des sèves, système de purification aérien et souterrain, puits de carbone, information chimico-gazeuse du feuillage – les qualifications qui sanctionnent ses connaissances sont inconnues par les espaces publics et privés (CS élagage/Caducée de l’arbre, Atelier de l’arbre)-
Les maltraitants portent indistinctement sur la nature un regard triste qui illustre un nihilisme contemporain. Un arbre dépouillé de sa ramure et privé de ses axes porteurs ressemble à un poteau polymorphe sinistre. Faut-il y voir une volonté de soumettre la nature à une représentation normée du monde ? Une exigence de rectitude associée à une vision organisée et anguleuse de la végétation ? Les haies, les massifs, la pelouse, les arbustes, les sillons et les potagers sont étalonnés, rangés, structurés, composés comme si le monde extérieur, réel et visible était un chapitre !
Cependant, il est impossible de justifier l’incompétence et de plaider l’ignorance lorsque Monsieur Francis HALLE démontre avec une humanité sensible et un vocabulaire simple, les nombreuses particularités qui marquent l’altérité singulière de l’arbre.
C’est avec une passivité agacée que nous subissons les désagréments de nos jardiniers décourageants et bruyants. Une armada de camion sillonnent les routes et chemins de nos collines, chargés de feuillage inopérant et neutralisé dont les propriétés ont cet immense avantage de fabriquer de l’oxygène et de capturer le gaz carbonique, les métaux lourds et les poussières. Il faut imaginer à l’échelle de la France des quantités délirantes et pantagruéliques de ces « déchets végétaux » qui vont connaitre parfois un recyclage ponctuel dans les déchetteries régionales. On peut s’interroger sur le caractère étrange de cette formule « oxymorique » dont le sens de chaque mot se contredit. Le végétal ne peut pas être un déchet car dans ce cas, aucun être vivant majoritaire ne pourrait être présent pour le manger et nous autres, les minoritaires pour le dire. AH AH. L’expression vient contredire le réel qui existe depuis environ 350 millions d’années AH AH – Mais ceci n’empêche personne de pratiquer l’évacuation systématique de ces «déchets » ou de les brûler …..
Notre passage vers l’automne est donc stimulé par la sensibilité de nos sens, qui révèlent habituellement la richesse de notre civilisation : les fragrances olfactives et les harmonies mélodieuses. Pas de bol, le visiteur amoureux de l’automne dans les collines de Grasse devra se satisfaire des odeurs acides et pénétrantes causées par le brulage vert des végétaux et du bruit assourdissant et aiguës causés par les tronçonneuses manipulées par des maniaco dépressifs qui ne voient dans la nature que l’incarnation d’un enfer végétal.

Pierre Lacarrère – Arboriste Grimpeur,
Adhérent de l’association SEQUOIA « Des arbres pour l’homme, des hommes pour l’arbre »