Our Blog

Attention, ils reviennent !!

Pourquoi je n’aime plus l’automne dans nos collines ?
Il était un temps où la chaleur pesante de l’été animée par les stridulations bruyantes des cigales cédait petit à petit la place à la lente arrivée de la douceur de l’atmosphère et de la couleur vive temporairement fichée dans les ramures des arbres – Les oiseaux migrateurs préparaient à leur mesure leurs longs voyages qui devaient les mener vers des pays lointains situés dans l’hémisphère sud –
A cela devait s’ajouter l’apparition progressive des pluies automnales, souvent accompagnées de bourrasques soudaines et imprévisibles. C’est donc des souvenirs d’enfants chargés et marqués par des odeurs de feuilles mouillées, des sensations étranges de chaud et froid , des visions colorées, des ambiances intermédiaires de fin d’été, des bruits secs et francs lorsque les glands tombaient au sol de tous les côtés, les derniers chants d’oiseaux et les moustiques qui disparaissaient enfin ….Toutes ces manifestations de nos jardins incarnaient le changement de saison – Nous attendions cette transition et les journées pluvieuses, grises et silencieuse qui ne manqueraient pas d’influencer notre perception du monde marquée notamment par la dégustation des nombreuses variétés de champignons.
Qu’en est-il maintenant ?
L’automne signe l’arrivée des manifestations frénétiques des moteurs en tout genre – Mais qui utilise des engins motorisés et pourquoi ?
En qualité d’arboriste grimpeur, je deviens très sensible à l’existence de bruits qui s’ajoutent inutilement à la perturbation constante de notre environnement naturel. A l’entropie apparente vient se juxtaposer le désordre anthropique. Où et comment se produit-il ?
Il suffit d’écouter l’écho que renvoie le sinistre tiraillement motorisé des tronçonneuses dans nos vallons et dans collines. C’est une armée informelle de soldats sans commandement qui est jetée dans les jardins privés et publics. Qui sont ces soldats ? que font-ils ? Le métier difficile et délicat pratiqué par des « élagueurs-destructeurs » n’est pas gouverné par une réglementation souveraine. Donc, le contingent des conscrits ne maigrit pas. Un très grand nombre de jardiniers amateurs se découvrent des talents soudains et spontanés pour mener des campagnes d’élagage dans tout ce qui compte de végétation « turgescente ». Ainsi, c’est par milliers, tous les jours, toutes les heures, dans tous les départements de France, dans tous les jardins privés et publics que nos prétendus « amoureux-défenseurs » de la nature agissent précisément à « l’envers » de la nature. Tailler, couper, blesser, rabattre revient à supprimer des axes sur des arbres, abimer le cycle hiérarchique de développement des plantes, exposer la cellule végétale aux possibles intrusions multiples des agents pathogènes, aliéner la surface photosynthétique des végétaux, perturber irrémédiablement la rhizogénèse …….Ces actions répétitives et définitives sur les plantes engendrent un désordre symptomatologique dont les effets provoquent un affaiblissement et une nanification du végétal. L’ensemble de ces actions mutilantes installent la plante dans une spirale funeste de déclin. Que dire des arbres qui subissent les interventions massacrantes des élagueurs-mutileurs ? Et bien tout le monde est triste : l’arbre, le paysage, le voisinage, l’observateur qualifié, le retraité paisible, l’enfant rêveur, l’écureuil agile, les animaux arboricoles, les insectes pollinisateurs, l’arboriste grimpeur en colère, le philosophe biophile ……
Qui décide de les maltraiter ?
Et pour quelles raisons les pratiques insultantes, dégradantes, mutilantes, désespérées, aliénantes, incultes, tristes, ignorantes, laides, incompétentes tournent -elles le dos à la connaissance, l’esthétisme, la curiosité, la sensibilité, l’instinct, le savoir, le regard, l’intelligence, la réflexion, les bonnes pratiques des arboristes ? La connaissance de l’arbre est récente (50 ans avec le Microscope à Balayage Electronique) – son univers biologique se découvre ( transmission du système racinaire , système hydraulique des sèves, système de purification aérien et souterrain, puits de carbone, information chimico-gazeuse du feuillage – les qualifications qui sanctionnent ses connaissances sont inconnues par les espaces publics et privés (CS élagage/Caducée de l’arbre, Atelier de l’arbre)-
Les maltraitants portent indistinctement sur la nature un regard triste qui illustre un nihilisme contemporain. Un arbre dépouillé de sa ramure et privé de ses axes porteurs ressemble à un poteau polymorphe sinistre. Faut-il y voir une volonté de soumettre la nature à une représentation normée du monde ? Une exigence de rectitude associée à une vision organisée et anguleuse de la végétation ? Les haies, les massifs, la pelouse, les arbustes, les sillons et les potagers sont étalonnés, rangés, structurés, composés comme si le monde extérieur, réel et visible était un chapitre !
Cependant, il est impossible de justifier l’incompétence et de plaider l’ignorance lorsque Monsieur Francis HALLE démontre avec une humanité sensible et un vocabulaire simple, les nombreuses particularités qui marquent l’altérité singulière de l’arbre.
C’est avec une passivité agacée que nous subissons les désagréments de nos jardiniers décourageants et bruyants. Une armada de camion sillonnent les routes et chemins de nos collines, chargés de feuillage inopérant et neutralisé dont les propriétés ont cet immense avantage de fabriquer de l’oxygène et de capturer le gaz carbonique, les métaux lourds et les poussières. Il faut imaginer à l’échelle de la France des quantités délirantes et pantagruéliques de ces « déchets végétaux » qui vont connaitre parfois un recyclage ponctuel dans les déchetteries régionales. On peut s’interroger sur le caractère étrange de cette formule « oxymorique » dont le sens de chaque mot se contredit. Le végétal ne peut pas être un déchet car dans ce cas, aucun être vivant majoritaire ne pourrait être présent pour le manger et nous autres, les minoritaires pour le dire. AH AH. L’expression vient contredire le réel qui existe depuis environ 350 millions d’années AH AH – Mais ceci n’empêche personne de pratiquer l’évacuation systématique de ces «déchets » ou de les brûler …..
Notre passage vers l’automne est donc stimulé par la sensibilité de nos sens, qui révèlent habituellement la richesse de notre civilisation : les fragrances olfactives et les harmonies mélodieuses. Pas de bol, le visiteur amoureux de l’automne dans les collines de Grasse devra se satisfaire des odeurs acides et pénétrantes causées par le brulage vert des végétaux et du bruit assourdissant et aiguës causés par les tronçonneuses manipulées par des maniaco dépressifs qui ne voient dans la nature que l’incarnation d’un enfer végétal.

Pierre Lacarrère – Arboriste Grimpeur,
Adhérent de l’association SEQUOIA « Des arbres pour l’homme, des hommes pour l’arbre »

Comments ( 0 )

    Leave A Comment

    Your email address will not be published. Required fields are marked *